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Pôles et mille victoires ou comment perdre son orient…

 


Moi

 

J’ai eu un peu de mal à trouver du temps : la réfection de l’appartement de ma grande fille et son copain m’a un peu accaparé. Mais une réflexion échangée avec la maman –de naissance algérienne- et le beau-père –de naissance espagnole- du copain de ma fille m’oblige à ce texte : « il n’y avait que des français montrés dans le document-réalité Rue des Allocs de M6 ».

Je me doutais que la Rue des allocs sur M6 allait faire du remous. Je ne me doutais pas que cela allait s’arrêter aussi vite : deviendrions-nous intelligents ?

Les programmes et la philosophie « formateuse » de M6 ne me plaisent pas particulièrement. Cette « Rue des allocs » sentait donc le racolage bienséant dans le jingle de présentation tournant sur la chaîne 15 jours avant la diffusion : cette manière qu’ont les chaînes de pré-présenter leurs programmes révèle la lourdeur de leurs contenus consubstantielle de la non-prise de risques de leurs promoteurs.
Pourtant en regardant les deux épisodes, une idée essentielle me traversait : je trouvais hallucinantes les capacités de ce jeune ferrailleur à revendre une épave roulante à un ressortissant africain qui l’emmènerait au « bled » ou éminemment respectables les capacités de survie des deux frères qui avaient déjà tâté de la prison ou du TIG. Non moins remarquable, la générosité de cette dame ayant perdu son mari assassiné dans une rixe, et composant des repas de midi –avec de la nourriture caritative- pour l’entourage de copains et copines de son fils qui, sans ce geste, auraient eu du mal à se payer la cantine scolaire.

Une idée essentielle égale une hallucination ?
En voyant ces tranches de vie, je me retrouvais –immersion corporelle en moins- dans mon saisissement hallucinatoire lors de mon premier voyage à Madagascar en 1992 : des gens arrivent à vivre avec aussi peu de moyens matériels ?
Et j’ose espérer que c’est l’information essentielle qu’en retireront ceux qui ont regardé ce programme, car l’idée en filigrane n’est pas cette hallucination mais sa contraposée : des gens avec beaucoup de moyens matériels n’arrivent pas à vivre. Et son corollaire : où est passée la richesse déployée et produite – par le fameux effet « bras de levier » des économistes- pour qu’avec une telle débauche de moyens techniques mis à la disposition de l’humain on ait encore des « Rue des allocs » dans le monde ?


Le monde

 

Bernard Stiegler utilise le concept de disruption pour expliquer les pertes de contrôle local du pouvoir sur les êtres dans notre « plasma » d’individus connectés. Ce concept effrayant s’appuie sur une conception statistique ou chaque particule d’entre nous tire à hue et à dia la couverture du monde pour survivre.
J’y préfère celui d’effondrement de la fonction d’onde qui décrit la particule que je suis à un instant t, où je me sens concerné par la mesure que je fais du monde à cet instant et où le nouvel état dans lequel je me trouve à t+delta t participe d’une construction réfléchie du monde, intégrée à un réseau. Une autre manière de parler d’éthique à travers la compassion.
Ainsi cette « Rue des allocs » peut participer de ce phénomène de mesure : encore faut-il sortir du matraquage polémique, de la décohérence…
Le dispositif –le cadre pour les psychanalystes- d’un « Sur les docks » d’Irène Omélianenko ou d'un "Les pieds sur terre" de Sonia Kronlund fabrique, en prenant du temps et en se passant des images télévisuelles, un autre régime de mesure du monde que la polémique longue et dispersive.
Car je crois que l’état du monde actuel relève plus de l’image de réseaux interpénétrés que de plasma : pour passer d’un état désordonné où les particules sont situées à l’infini l’une de l’autre, à un état organisé où les particules se sont rapprochées, les chimistes parlent d’énergie réticulaire ou les physiciens atomiques parlent d’énergie de liaison.
A moins que ma croyance ne soit erronée et que Stiegler ait raison : nous sommes dans un état transitoire hautement énergétique qui déborde notre langage et demande d’inventer la compréhension de la « disruption ». Paradoxal, voire contradictoire avec ce désir d’écrire quelques lignes bien fixées sur le papier ou dans un disque dur.
A moins que l’on ne puisse dire qu’à postériori le monde que nous avons co-agit : et le concept de « chemin d’erre » de Déligny est là pour nous éclairer, autistes que nous resterons.

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